La Cité du Train
Patrimoine SNCF
Plus de trente ans après l’ouverture du Musée Français du Chemin de Fer, l’établissement mulhousien tourne une nouvelle page de son histoire. En devenant Cité du Train, le musée poursuit sa mue. L’inauguration du « Parcours Spectacle », nouvel espace scénographique, contribue à la naissance d’un nouveau regard sur les collections.
Le réaménagement du parcours de visite du bâtiment primitif de 1976 (les « Quais de l’Histoire »), suivi quelques années plus tard par celui de la partie extérieure (le « Panorama Ferroviaire »), ne modifie cependant en rien la philosophie première de l’institution : celle de valoriser le patrimoine ferroviaire auprès du plus grand nombre.
Début mars 2005, quelques jours avant l’inauguration officielle, une équipe de tournage de France 3 Alsace découvre le Parcours Spectacle en avant-première. Dans cette grande halle comparable à un plateau de cinéma, les 27 matériels roulants sélectionnés patientent avant l’arrivée des premiers visiteurs.
Aboutissement d’années de travaux, cette muséographie est présentée par Jean-Marc Combe, ancien conservateur du musée, comme un espace permettant de combiner à la fois connaissances et plaisir. Un pari audacieux pour cette collection pas tout à fait comme les autres.
C’est la superficie du “Parcours Spectacle » inauguré en mars 2005.
Le 11 mars 2005 marque une nouvelle étape dans l’histoire du Musée Français du Chemin de Fer. En devenant Cité du Train, l’établissement fait son entrée dans le XXIe siècle. Le nouveau bâtiment de 6000 m2, baptisé « Parcours Spectacle », permet d’offrir aux visiteurs une vision renouvelée de la collection. À l’extérieur, ce hangar coloré, dont la palette s’inspire directement des livrées des matériels roulants, s’impose comme un marqueur visuel fort. À l’intérieur, l’approche thématique défendue par l’Atelier François Seigneur et Sylvie de la Dure encourage l’approfondissement de grands thèmes que sont notamment la guerre, le métier de cheminot, le voyage, les trains officiels, la montagne ou encore les vacances. Cette muséographie, mêlant jeux de lumière et effets sonores, ne laisse pas indifférent et confronte chacun à une véritable « visite-expérience ».
Histoire d’une renaissance
Un mois après l’ouverture au public, la Cité du Train est heureuse d’accueillir ses invités dans le cadre de son inauguration.
Depuis la Mezzanine, il est possible d’apercevoir en ce 14 avril 2005 la foule regroupée autour du podium dressé derrière la 232 U 1. Présentés dans le communiqué de presse comme « l’histoire d’une renaissance », les travaux auront permis de réunir les soutiens exceptionnels de la DRAC Alsace, de la Région, du Département du Haut-Rhin et de la Ville de Mulhouse. Porté par la SNCF et par l’association, ce projet d’un coût de 8,6 millions d’euros est à la hauteur des collections. Pour les parties prenantes de cette entreprise titanesque, il s’agit de confirmer le statut du musée : celui d’acteur majeur de la culture ferroviaire et alsacienne.
Une BB au
Grand Palais
Pour ses 70 ans, la SNCF investit le Grand Palais. L’exposition L’Art entre en gare permet de revenir sur l’épopée de l’entreprise tout en s’interrogeant sur le rôle majeur joué par le train dans le domaine artistique. Disposées sur des piédestaux d’un blanc immaculé, la 150 P 13 et la BB 9004 du record de vitesse de 1955 dialoguent avec le TGV orange et la nouvelle automotrice francilienne. Le mariage chromatique de la livrée verte de la BB avec la structure de la Nef du bâtiment parisien est saisissant. Cette vision monumentale est sans doute très proche de celle observée au XIXe siècle par les visiteurs des premières expositions de l’industrie.
2007, année
ferroviaire
Où étiez-vous en ce mardi 3 avril 2007 vers 13H ?
Il y a de grandes chances que vous vous en souveniez, tant cet épisode de l’histoire des transports aura marqué les esprits. C’est en effet à cette date que dans la Marne, la rame V150 atteint le record de vitesse des 574,8 km/h. Voyant passer cette fusée sur rails sous un pont où il s’était placé, l’un des journalistes de France 2, s’exclame en direct à la télévision « c’était extraordinaire ». L’excitation teintée d’une grande émotion est alors palpable. Véritable tournant dans l’aventure de la grande vitesse en France, la rame V150 devient immédiatement mythique. Sa motrice 4402 et l’une de ses remorques sont dans ce contexte exposées à la Cité du Train du 26 mai au 3 juin 2007. Quelques jours avant, le 8 mai 2007, l’équipe du musée rendait déjà hommage à ce record en imaginant, sur la LGV Est, une rencontre historique entre un TGV POS et la locomotive Crampton, la plus rapide en son temps. Le 10 juin 2007 le TGV Est arrive en gare de Mulhouse, suivi en 2011 par le Rhin-Rhône.
2010, le tram-train
aux portes du musée
Connaissez-vous le tram-train ? Inauguré en décembre 2010, ce véhicule bleu et gris bien connu des Mulhousiens permet de joindre la gare centrale de Mulhouse à la ville de Thann. À la fois périurbain et connecté au réseau ferré national, le tram-train est exploité conjointement par Soléa et par la SNCF. L’arrêt Musées, permettant aux visiteurs d’accéder aisément à la Cité du Train et à Electropolis n’est pas sans rappeler les ambitions des créateurs du MFCF : celui de bénéficier d’un transport en commun aux portes du bâtiment d’accueil. Élus locaux et dirigeants de la SNCF le soulignent, il s’agit d’une grande étape pour le Service public. Un peu plus de 170 ans après la ligne Mulhouse-Thann de Nicolas Koechlin, le transport mulhousien poursuit son aventure.
Les Quais de l’Histoire
Six ans après l’ouverture du Parcours Spectacle, c’est au tour de la partie primitive de 1976 de subir une refonte muséographique. L’objectif, en apparence simple, est le suivant : reclasser les matériels dans un ordre chronologique. Lorsque que l’on connaît les contraintes imposées par les trains, on comprend cependant que la tâche ne sera pas aisée. Comme le souligne Philippe Mirville, ancien Président du musée, dans un article de L’Alsace publié le 29 janvier 2009, la présentation ne contente alors que 5% des visiteurs, bien souvent spécialistes ferroviaires. Le grand public a quant à lui besoin de repères face à une collection parfois difficilement intelligible au premier abord. Les cimaises, ajoutées le long des rails, permettent de créer un véritable parcours, avec un début et une fin.
En 2011, après quatre ans de travaux et d’innombrables manœuvres, les Quais de l’Histoire sont à leur tour inaugurés. La majeure partie des lampes à incandescences, remplacées par des LEDs, moins consommatrices en énergie, participent de la mise en valeur des matériels. Des rampes d’accès pour les personnes à mobilité réduite sont par ailleurs installées. Plus didactique et plus accessible, le bâtiment ne perd rien de son identité. En levant les yeux, les visiteurs peuvent toujours admirer la charpente emblématique de cet ensemble architectural dû à Pierre-Yves Schoen.
Le Panorama Ferroviaire
Mulhouse-Utrecht :
une locomotive sur route
De manière toujours aussi impressionnante, certains trains n’hésitent pas à quitter leur confort mulhousien.
C’est le cas de la locomotive Crampton qui, en 2014, débute son voyage vers le musée ferroviaire d’Utrecht, situé au sud d’Amsterdam, à 700 km de Mulhouse.
France 3 Alsace, qui ne pouvait rater cet événement, propose de découvrir les coulisses d’une telle entreprise dans la vidéo ci-dessus.
Le TGV rejoint
la collection
du musée
Livrée dans la nuit du 8 au 9 avril 2015 à la Cité du Train, la motrice 23121 est l’un des derniers matériels à avoir rejoint la collection. Issu de la rame 60 et portant initialement le numéro 23119, cet élément, mis en service en 1982, est radié du parc en 2012. Il est alors sélectionné pour rejoindre l’établissement mulhousien et devenir ainsi un objet patrimonial. C’est au technicentre de Bischheim, situé non loin de Strasbourg, que l’on doit sa restauration. Repeinte dans sa livrée d’origine et rebaptisée 61, cette motrice a été débarrassée d’une partie de sa carrosserie, remplacée par une paroi transparente, ce qui permet de voir sa structure triangulaire et de découvrir les équipements intérieurs. Un film consacré en 1981 par le centre audiovisuel de la SNCF aux deux premiers TGV Sud-Est 01 et 02 (« Patrick et Sophie »), l’affirme : « la technique parfois rejoint les rêves magiques de l’enfance. »
Un anniversaire
partagé
Tout comme la Cité du Train, le Train Thur Doller fête en 2021 son jubilé. Réunissant un groupe de bénévoles passionnés, l’association située à Cernay, non loin du musée, est dotée de 12 km de ligne. Proposant des balades en train à vapeur et des “stages vapeur”, le TTDA fait partie de ces associations ferroviaires habilitées à restaurer des matériels roulants. Dernier projet en date, la restauration complète de la locomotive 141 C 100, avec le soutien de la DRAC Grand Est et la mise en place d’une cagnotte via la Fondation du Patrimoine. Partenaire historique de la Cité du Train, ce chemin de fer touristique, à travers son billet combiné, permet d’approfondir la découverte du patrimoine ferroviaire, en mouvement et toujours dans la bonne humeur.
Le bénévolat
à la Cité du Train
Composé d’une cinquantaine de personnes, le groupe des bénévoles de la Cité du Train est indissociable de l’histoire récente de l’établissement. Cheminots ou anciens cheminots, ces derniers contribuent de manière quasi quotidienne à la vie de du musée. Leurs interventions, largement appréciées des visiteurs, renforcent la politique culturelle dynamique défendue par l’institution. Déplacements des matériels, peinture des passages à niveau, conduite du mini Express, explication de la conduite du TGV, baptêmes du rail en draisine et participation au chantier des collections sont autant d’actions menées par ce groupe de passionnés.
Parmi les plus remarquables, la mise en place des journées Y Experience permettant de découvrir en petit comité le métier de la conduite ferroviaire aux commandes d’un locotracteur. Et depuis sept ans, la restauration et animation du manège de Sambaldur-sur-Mou, venu tout droit de Perpignan. Mis en service de 1948 à 2007, ce témoin de l’histoire foraine est acquis par le musée en 2014 afin d’être remonté sur le Panorama Ferroviaire. Reconnaissable à ses couleurs pastels et au bruit de son moteur de Ford T, ce manège a fait selon les dires de sa donatrice Chantal Bey, petite-fille de son créateur Zilda Clément, « le bonheur des grands et des petits touristes de Canet-en-Roussillon ou Argelès-sur-Mer. » Si attachant, il ravit encore aujourd’hui les visiteurs de la Cité du Train.
Marc Seguin
au musée
Exposée durant l’été 2017, la réplique de la locomotive Marc Seguin de 1829 témoigne de la passion qui anime le monde ferroviaire. Fruit d’un travail méticuleux mené par Gaston Monier et son association, cet engin d’exception a nécessité des années de travail. Construite à partir des plans originaux, cette locomotive présente en effet la particularité de se mettre en mouvement. Entièrement fonctionnelle, elle permet alors aux visiteurs de mesurer le parcours technologique accompli, des premières années de la vapeur au TGV.
Une animation peut
en cacher une autre
Point d’orgue de la visite : la salle des maquettes. Construit par André Ullrich dès la fin des années 70, ce réseau au 1/87e est dans un premier temps exposé dans le hall d’entrée du Crédit Mutuel Sainte-Marie, lieu de travail de ce passionné de modélisme. La salle de la Cité du Train qui lui est aujourd’hui consacrée, permet, depuis 2002, de présenter cette maquette de manière pérenne.
Si les trains ont leur importance, chacun sera sensible aux détails de ce monde à mi-chemin entre le réel et l’imaginaire. Fête foraine bouillonnante, potager de citrouilles, mystérieux château et terrain de football où les joueurs miniatures croisent, ébahis, un groupe de moines, cette création est aussi technique que narrative. Pendant ce temps, à l’extérieur des Quais de l’Histoire, le mini-express d’Alsace, imaginé en 2014, poursuit ses tours. En cas de pluie, le petit train sur pneu, « personnage » incontournable du musée, est toujours prêt à vous accueillir.
Une histoire
partagée
Bien que la place au musée ne soit malheureusement illimitée, l’établissement continue d’accueillir de nouveaux matériels. C’est le cas de la voiture de contrôle des voies Mauzin 214, dernière en date, arrivée en juin 2019. Mais ces dernières années ont surtout été celles des restaurations. Restaurée quelques années plus tôt en 2016, la crémaillère de Langres, répondant à l’affectueux surnom de « Crem’Zouille », rejoignait déjà les Quais de l’Histoire. C’est ensuite au tour des voitures USI et UIC exposées sur le Panorama Ferroviaire après restauration par les Ateliers SNCF de Périgueux. En septembre 2019, les Journées Européennes du Patrimoine marquent le grand retour de l’autorail Decauville (1945) après restauration par les Ateliers Quatre-Mares de Sotteville-lès-Rouen, comme l’était son ancêtre la Buddicom à la veille de la création du Musée Français du Chemin de Fer. En 2021, la participation active des agents SNCF à l’exposition consacrée à la grande vitesse le démontre une fois de plus : l’engouement provoqué par la collection est loin de s’évanouir.
En voiture
Simone !
Et si vous aviez la possibilité de voyager dans le temps à bord de trains d’exception ? C’est le pari que se sont lancés, en 2018, la Cité du Train et la Compagnie Versatile, basée à quelques kilomètres du musée, à Hochstatt. Une plongée au cœur de la folle épopée du chemin de fer rendue possible par d’attachants personnages, aussi déjantés que colorés. Pour la première fois de son histoire, le musée ouvre les portes de ses trains les plus prestigieux, pour le plus grand plaisir des visiteurs ! « C’était une frustration de ne pas pouvoir monter à bord. En même temps, ce sont des voitures historiques qui ne supporteraient pas le passage des milliers de visiteurs. En faisant des visites avec des petits groupes d’une dizaine de personnes, on crée un petit cocon. Mais il fallait aller plus loin que des visites guidées déjà existantes. Alors on a amené des personnages. » précisent Claudine Lengert et Julien Prodorutti à l’initiative du projet. Des visites théâtralisées drôles, sincères, insolites et surtout passionnantes que vous pouvez retrouver chaque année, d’avril à août. J.P.
Le Train de
l’innovation
2018 s’impose comme une date majeure dans l’histoire de la SNCF. En célébrant ses 80 ans, l’entreprise réaffirme la richesse de son patrimoine humain et technique. À cette occasion, le Train de l’Innovation débute un parcours itinérant de douze étapes à travers la France. À l’intérieur, une scénographie à l’aspect futuriste retrace les huit décennies de SNCF en se penchant sur les thèmes de la mémoire et de l’innovation. Certaines maquettes, habituellement conservées au musée, rejoignent la sélection d’œuvres à la rencontre des Français. Terminant son périple à la Cité du Train, le Train de l’Innovation connaît un vif succès. Du musée du train au train-musée il n’y a qu’un pas.
Scénographier
la grande vitesse
2021. 40 ans du TGV. Un événement majeur pour la SNCF et plus généralement pour le monde des transports. Conçu par les agences de scénographie et muséographie La Fabrique Créative et Azimuse, le réaménagement de la dernière voie du parcours de visite de la Cité du Train rend hommage à ce pan de l’histoire ferroviaire. Valorisant la RTG (Rame à Turbine à Gaz) et la motrice dite “61”, ce nouvel espace consacré à la grande vitesse permet d’aborder les enjeux à la fois techniques, géographiques, sociaux et décoratifs. Produite en coulisse durant l’année 2020-2021, cette refonte muséographique s’impose comme un condensé de savoir-faire. Archivistes, scénographes, graphistes, photographes, poseurs de voie, ou encore conducteurs auront mobilisé leurs compétences pour répondre aux prévisions d’André Ségalat, qui, dès l’ouverture du MFCF en 1971 le soutenait : « Messieurs les créateurs du Musée Français du Chemin de Fer, prévoyez large, je vous en prie ; le Chemin de fer n’est encore qu’au début de son destin ! »
50 ans
d’affiches
Quoi de mieux pour terminer cette rétrospective que de se replonger dans les meubles à plans du musée ?
À l’intérieur, 50 ans d’affiches de promotion de l’établissement s’y superposent. De la gouache d’Albert Brenet aux sérigraphies du collectif mulhousien 2920g, à chaque période son style et sa vision des collections. Géométrique ou esquissé, le train y apparaît comme une source inépuisable. Réalisée par les agences Landor & Fitch et VUXE, l’affiche des 50 ans met en valeur la Buddicom, plus ancienne locomotive du musée et plus largement du continent européen. De dos, la silhouette de Michel Doerr, co-créateur du musée, est aisément reconnaissable. Regardant au loin ou vers l’avenir, ce dernier ne s’imagine peut-être pas à cet instant que cinq décennies plus tard, le musée célèbrera cette aventure patrimoniale et ferroviaire qui ne fait que commencer.
Nous, enfants
et petits-enfants…
« Je suis certain que nos enfants et nos petits-enfants continueront à rajouter des matériels qui, pour partie circulent encore sur les réseaux, pour d’autres sont encore sur la planche à dessins, et qui viendront un jour au Musée du Chemin de Fer.» Issue de l’émission Expression diffusée sur le petit écran le 29 décembre 1982, cette phrase de Jean-Mathis Horrenberger résonne aujourd’hui de manière remarquable. Alors que l’année 2021 célèbre les 50 ans du musée, elle marque également les 40 ans de la grande vitesse en France.
La mise en valeur du TGV orange au sein du nouvel espace muséal s’élève dès lors au rang de symbole. Mais comme le précise Michel Doerr dans la seconde partie de la vidéo, le chemin de fer ne peut se résumer à la machine. Pour ce dernier, « quand on est épris d’humanisme, c’est l’élément humain que représente la tradition du métier de cheminot [qui fait partie de cette histoire] ». Conjuguée au passé, au présent et au futur, l’aventure du Musée Français du Chemin de Fer porte en elle un pan entier de la mémoire ferroviaire, individuelle et collective.