Une gare comme period room
Dès les débuts du musée, Michel Doerr défend l’idée selon laquelle le chemin de fer constitue un système complexe qui doit être valorisé dans son ensemble. Entre les bâtiments A (celui des matériels roulants), le B (abritant l’accueil, l’administration et le restaurant) et le C (musée du Sapeur-Pompier), la partie extérieure s’enrichit ainsi d’une collection dédiée à l’équipement. C’est dans ce contexte qu’est imaginée en 1982 une petite gare. Construite ex nihilo, cette dernière permet de reconstituer un bureau de chef de gare et de faire revivre l’atmosphère d’une station de petite ligne. Dans le musée, moteurs de la SACM, arts décoratifs, beaux-arts et maquettes, comme celle du banc d’essai de Vitry, complètent dorénavant le parcours.
Le Cube électrique
1983 s’impose comme une année fastueuse pour le Musée Français du Chemin de Fer. Durant ces douze mois, la structure connaît en effet un pic historique de fréquentation en accueillant 239 807 visiteurs. Dans le même temps, le MFCF se voit attribuer le diplôme “Prestige de France”. Une première pour un musée de province et une récompense supplémentaire pour ses fondateurs, Jean-Mathis Horrenberger et Michel Doerr qui quitte alors ses fonctions de directeur.
“[…] vous avez promu l’idée, suscité le faisceau des bonnes volontés, animé la convergence des efforts, puis, devenu Directeur du Musée en gestation, vous avez défini les plans de masse et précisé les détails. D’où vous vient ce pouvoir qui a fait d’un rêve de jeunesse une réalité admirée par plus d’un million de visiteurs.”
– Réception de Michel Doerr dans l’Ordre national de la Légion d’honneur, discours d’André Portefaix, cérémonie du 19 octobre 1983
À l’automne de ma vie et en toute philosophie, je lui [Jean Renaud, futur directeur n.d.l.r] laisse à méditer ce premier aphorisme d’Hippocrate :
-ars longa, vita brevis – on pourrait parfaitement le transposer de la discipline médicale à l’archéologie ferroviaire, ne nous avez-vous pas aidé, mon Cher Ingénieur Général, à sauver de grands malades, ne serait-ce que le célèbre Salon des Aides-de-Camp. Merci !
– Réponse de Michel Doerr à André Portefaix
Depuis les fenêtres de l’administration, l’équipe décorée observe attentivement les allées et venues des grues et camions. Rue du Pâturage, un nouveau bâtiment fait en effet son apparition. Il s’agit du centre de l’énergie, futur Electropolis. Cinq ans après le sauvetage de la machine Sulzer-BBC de l’entreprise DMC, les premières façades du “cube” sont posées. Œuvre des architectes Morin et Fanuele, le musée EDF, ouvert en 1987 et inauguré en 1992, souhaite mettre en lumière l’épopée de l’électricité. En constante évolution, l’établissement propose depuis 2018 un espace dédié à l’innovation. Arrivé dans la nuit du 6 au 7 avril 2021, un rotor issu de la centrale nucléaire de Fessenheim pose fièrement au cœur du jardin électrique. Cet objet de 153 tonnes s’impose comme la dernière acquisition de taille faite par ce musée partenaire.
Un musée
gourmand
Entre 1976 et 1984, la collection ne fait que s’enrichir et les visiteurs assistent notamment à l’arrivée de la locomotive à vapeur 032 Engerth n°312 L’Adour (en 1978), de la locomotive Ten Wheel (en 1978) ou encore de l’automotrice électrique Sprague BDF 9011 (en 1979). Dans une note de 1979, Michel Doerr rappelle ainsi que Mulhouse a de “grands appétits”. Dès lors, un constat s’impose : le bâtiment doit être étendu. Cette décision est en réalité actée dès 1978 lors de la séance du Conseil d’Administration du 19 décembre. Une nouvelle fois, c’est l’architecte Pierre-Yves Schoen qui accompagne l’équipe du musée dans ce vaste projet.
Le 15 mai 1984, un train spécial est affrété pour la cérémonie de l’ouverture au public de la seconde tranche de travaux. Au cœur du musée, dont la surface a quasiment doublé, les personnalités se croisent. Parmi elles, René Clément, réalisateur du célèbre film La Bataille du Rail, Bernard Lemoine, Président du Comité “Prestige de France” et André Chadeau, Président de la SNCF. Pour ce dernier, c’est certain, le TGV aura bien sa place au sein de l’établissement. Cessons là le suspens : le TGV rejoindra bien le musée.
Ciné-rail
Si le hall dédié au matériel roulant a pu subir une importante extension, les dons d’archives, d’œuvres d’art et de petits objets ne cessent d’augmenter. Parallèlement à cela, il convient d’offrir aux visiteurs une expérience toujours renouvelée. C’est dans ce contexte qu’est imaginée la création d’un dôme culturel. Édifié en 1987, ce bâtiment relié à l’administration par un corridor couvert, se veut comparable à la Géode, inaugurée à la Cité des Sciences de Paris en 1985. Véritable prouesse architecturale, ce bâtiment annulaire se caractérise par sa coupole composée de 32 pièces préfabriquées par l’entreprise Savonitto.
Sous cette voûte, une salle de projection est déployée, marquant ainsi la naissance du Ciné-rail. Présenté comme la troisième salle Omnimax de France, ce cinéma panoramique de 99 places propose une programmation principalement documentaire. Hydro ou Images de Hollande composent notamment le catalogue de courts-métrages projetés entre 1989 et 1990, et offrent aux visiteurs et aux cinéphiles mulhousiens “des sensations… des images… à vous couper le souffle !”
Une locomotive
nommée Musée
En 1989, alors que L’Alsace célèbre les 150 ans de la ligne Mulhouse-Thann, le Musée Français du Chemin de Fer passe un nouveau cap symbolique. Un an avant le départ de Jean-Mathis Horrenberger en 1990, la BB 26006, répondant également au nom de “Sybic”, se voit ornée d’un blason à l’effigie du musée. Visibles sur les livrées des matériels roulants au moment de leur inauguration, les blasons, reprennent d’habitude les insignes des villes-marraines. Celui du MFCF rejoint ainsi une vaste collection, valorisant notamment les armes de Reims, Valenciennes ou encore Aix-les-Bains.
“Voyage dans l’univers
du monde ferroviaire”
Dès les années 80, le musée du chemin de fer accroît son offre en matière de médiation culturelle. Des éléments éducatifs diffusés “hors-les-murs” voient le jour, comme par exemple les malles pédagogiques. Réalisées bénévolement en 1983 par un groupe d’enseignants, trois mallettes sont proposées aux classes de la région mulhousienne. Elles abordent des thèmes techniques comme le fonctionnement de la vapeur mais aussi les liens entre chemin de fer et art, littérature, géographie…
Dix ans plus tard, en décembre 1993, un nouvel espace pédagogique est inauguré dans l’ancien bâtiment du Ciné-Rail : le Musée Express : voyage dans l’univers du monde ferroviaire. Ouvert au public le 15 janvier 1994, cet espace de 220 m² traite de 31 thèmes différents autour de l’univers ferroviaire. Il permet alors aux enfants comme aux adultes non spécialistes d’explorer les collections du musée et de mieux les appréhender. Jusqu’à sa fermeture à la fin des années 90, on trouve à l’intérieur de sa coursive, des éléments variés et complémentaires comme des maquettes animées, des objets exposés, des jeux, des photographies et gravures… A.C.
“Un café, un dernier tour et on rentre !”
En 1995, la nouvelle affiche du musée insiste : ce musée, vous ne pourrez pas l’oublier ! Les grands témoins interrogés dans le cadre de cette rétrospective le confirment. Nouveaux matériels, visiteurs, personnalités, événements, animations, chacun formule un souvenir précis de son rapport à l’établissement.
Dans ce cadre, comment ne pas parler du restaurant où échanges formels et informels se nourrissent autour des plats alsaciens.
Placé au premier étage du bâtiment administratif, le restaurant sert également de “cantine” aux employés du tertiaire de la zone dite de la “Mer Rouge”. Et pendant que les parents terminent leur café, les enfants montent joyeusement sur le petit train, dont le circuit encercle le dôme culturel. Quand on est petit, 15 km/h c’est impressionnant. Surtout quand le train roule en marche arrière !
“Découvrez un grand Musée et sa magnifique collection. Venez admirer nos merveilles dans cette Alsace si surprenante.
Mulhouse n’est pas si loin de chez vous.”
– Slogan de l’affiche publicitaire éditée en 1995
Mulhouse, capitale des musées techniques
Le 4 décembre 1993 L’Alsace titre “Musées sans frontières ça y est !”. Ancêtre de l’actuel MMSA (Musées Mulhouse Sud Alsace), cette initiative mulhousienne consiste en une « association fédératrice vis[ant] à dynamiser le potentiel muséographique mulhousien”. Le musée des Beaux-Arts (1864), le musée historique (1868), le Musée d’Impressions Sur Étoffes (MISE, 1955), le MFCF (1971), le musée national de l’Automobile-collection Schlumpf (1982), le musée du papier peint (1983) et Electropolis (1992) constituent alors une collection pluridisciplinaire rare. Programmation et communication commune leur permettent d’élever Mulhouse au rang de capitale des musées techniques.