Quatre-Mares
confirme sa légende
« […] pièces manquantes, à reconstituer avec des matériaux non identiques à ceux d’origine (on ne trouve plus de fer puddlé…), revêtements disparus et tissus anciens “non suivis”, inscriptions oubliées, décorations terriblement coûteuses si l’on voulait le reconstituer “à l’identique”; et aussi une difficulté fondamentale : pour un objet dont la vie assez longue n’a pas été sans modifications ou même refonte, lequel de ses états successifs doit être retenu pour la postérité ? »
Michel Doerr et André Portefaix
“Vers un Musée Français du Chemin de Fer”, 1970
Propriétaire de la collection primitive du musée, la SNCF apporte également son expertise dans le domaine des restaurations. Dès 1967, la Buddicom Saint-Pierre, locomotive iconique datant de 1844, rejoint ainsi les Ateliers de Quatre-Mares. Localisés à Sotteville-lès-Rouen, en Normandie, ces ateliers, aujourd’hui “Technicentre”, s’imposent comme les héritiers de ceux inaugurés sous la monarchie de Juillet par deux ingénieurs anglais : William Allcard et William Barber Buddicom. Plus de cent ans après sa création, la locomotive retrouve ainsi son numéro 33 retiré lors d’une première restauration au début du XXe siècle.
Comme le soulignent Michel Doerr et André Portefaix, ingénieur en chef de la Direction du Matériel, une restauration doit être soigneusement documentée en amont et restituer théoriquement le train au plus près de son état d’origine. La mise en pratique de cette doctrine s’impose cependant plus complexe…
Le “bijou” de
Romilly-sur-Seine
Le Train comme œuvre d’art. Tel pourrait être le titre de la note envoyée par Michel Doerr à Jean-Mathis Horrenberger le 17 février 1969. Dans cette missive empruntant au vocabulaire de la joaillerie, le futur directeur du musée décrit l’avancement de la restauration de la voiture de 1ère classe A 151 Nord. Véritable éloge adressé aux cheminots de Romilly, alors en service ou retraités, cette correspondance permet également de mesurer la diversité des savoir-faire nécessaires à la restauration de certains matériels roulants. La menuiserie, l’ébénisterie, la chaudronnerie, la peinture, l’art textile sont en effet autant d’étapes permettant de redonner ses lettres de noblesse à cette voiture, incarnation du style Second Empire.
« Véritable bijou […]
certainement-et de loin-la plus belle des restaurations faites jusqu’à maintenant […]
surveillance “amoureuse” des mains qui l’ont restaurée […]
grandes différences de températures qui sont néfastes pour la conservation […]
prendre place à Mulhouse dans le “temple” qui lui convient […] »
– Citations issues de la note envoyée par Michel Doerr à Jean-Mathis Horrenberger le 17 février 1969
Napoléon
et le moulin
Un musée n’est rien sans sa collection, ses murs, son équipe, ses visiteurs mais également son logo ! Ainsi, dès juillet 1969, le peintre ferroviaire Michel Lamarche s’installe à sa planche à dessin. Ses esquisses préparatoires témoignent du souhait d’articuler trois éléments constitutifs du futur musée : le train, le bâtiment et l’Alsace. Présenté par Michel Doerr en octobre 1969 lors de l’assemblée constituante de l’Association pour le musée des chemins de fer de Mulhouse (AMCF Mulhouse), le pictogramme a été simplifié. Devant la roue écarlate du moulin, célèbre emblème de Mulhouse, on distingue une locomotive : la Napoléon de Koechlin. Le musée du chemin de fer sera mulhousien ou ne sera pas.
L’association du musée est constituée
14 octobre 1969. Les salons de la Société Industrielle de Mulhouse sont en effervescence. La Ville, la SIM, la SNCF, la CCI, la CIWLT, l’Amicale Départementale des Sapeurs-pompiers et l’AMTUIR assistent en effet à la présentation des statuts constitutifs de l’Association du musée des chemins de fer de Mulhouse. Jean-Mathis Horrenberger et Michel Doerr, protagonistes incontournables de cette entreprise titanesque, sont officiellement désignés comme Président et Directeur du futur établissement. Fruit de multiples sollicitations et d’interventions à l’échelle locale et nationale, cette signature marque simultanément le commencement d’un chantier d’envergure mené par l’architecte Pierre-Yves Schoen : celui du musée définitif qui ouvrira ses portes sur le site de Dornach sept ans plus tard, en 1976.
Numéro 1
Si le musée expose aujourd’hui des matériels et des objets déposés par la CIWLT, la RATP, L’AMTUIR et La Poste, la SNCF reste propriétaire d’une majeure partie de la collection. Dès octobre 1970, la carte de membre d’honneur porteuse du numéro un est ainsi adressée à André Ségalat, alors Président de l’entreprise.