1867 et 1878 :
La gare et le mécanicien
Le chemin de fer ne peut être réduit au simple objet d’apparat ou de démonstration. Lors des Expositions universelles, il permet également de transporter un grand nombre d’exposants, d’objets et de visiteurs. Dans ce cadre, les négociations avec les compagnies sont de mise et participent au bon déroulé de l’événement. Lors de l’Exposition de 1867, le “chemin de fer de ceinture” est ainsi raccordé à l’une des entrées de l’exposition. 28 trains au départ et 31 à l’arrivée permettent au public de rejoindre la manifestation. Onze ans plus tard, lors de l’Exposition universelle de 1878, la gare du Champs-de-Mars est construite pour l’occasion. Parmi les visiteurs, un certain R. Martial, croquant la Galerie des machines, l’affirme, “[…] bientôt il n’y aura plus qu’un seul métier possible-celui de mécanicien.”
Le jeu,
le conte et l’image
Le train nourrit un imaginaire qui s’étend peu à peu à la population enfantine. Conservé aux Archives de Mulhouse, le Jeu de l’oie des chemins de fer, créé par Ernest Henry vers 1855, en est un parfait exemple. Sur un plateau rythmé de vignettes emblématiques de l’imagerie d’Epinal, les joueurs sont invités à voyager d’une gare à l’autre. En 1872, un auteur de La Semaine des enfants : magasin d’images et de lectures amusantes et instructives, n’hésite pas à jouer de l’anachronisme. Dans un conte aux notes et décors renaissants, le chemin de fer fait une discrète apparition. S’adressant aux jeunes lecteurs, l’auteur rappelle en effet qu’en ces temps reculés, seuls les lents carrosses permettaient de rallier les contrées éloignées. Personnage mystérieux et bruyant, le train devient peu à peu objet pédagogique. Au lendemain des lois de Jules Ferry rendant l’instruction gratuite, laïque et obligatoire, les murs des classes et les manuels scolaires se peuplent peu à peu de locomotives. Simultanément, des sociétés comme Märklin, popularisent progressivement les modèles réduits. Entre trains-jouets et modèles de luxe, le loisir se mêle à la science.
Apprendre
le chemin de fer
Alors que le XIXe siècle voit se développer la vulgarisation scientifique, la diversité des métiers ferroviaires pousse les compagnies à organiser leurs méthodes d’apprentissage. Lors des Congrès internationaux des chemins de fer organisés à Milan en 1887 puis à Paris en 1889, la nécessité de créer des écoles spéciales est mise en exergue. Aux cours de géographie, de physique, d’arithmétique ou de langue française, s’ajoutent des leçons techniques relatives au dessin industriel, à la menuiserie, à la chaudronnerie ou à la forge. La maîtrise des outils et des maquettes pédagogiques s’impose dès lors comme des prérequis à la future vie professionnelle des jeunes cheminots. Conservées à la Cité du Train, maquettes de signaux et autres chefs-d’œuvre d’apprentis composent un corpus significatif de ce pan du patrimoine ferroviaire.
Fêter
le chemin de fer
Cinquante ans après l’inauguration de la ligne Paris-Saint-Germain-en-Laye, le bois de Vincennes se pare d’estrades pavoisées. Le 22 mai 1887, lâcher de pigeons et concerts rythment cette commémoration. Entaché par la faillite de la société civile organisatrice, cet événement international permet cependant aux rédacteurs du Journal des Débats de “feuilleter la vieille collection” du quotidien et de rappeler le déroulé de cet épisode historique que certains auraient peut-être oublié.
Folklore
et paysages
La seconde moitié du XIXe siècle marque l’apogée du chemin de fer. En quelques décennies, le transport ferroviaire a fait son entrée définitive dans le quotidien d’un grand nombre de Français, devenus cheminots ou usagers réguliers. Car le train, peu à peu combiné au tramway et au funiculaire, permet d’aller toujours plus loin, au cœur des massifs comme au bord de la mer.
Participant au développement du tourisme, les compagnies rivalisent de créativité afin de faire la promotion de leurs destinations. Dans les gares, les affiches font leur apparition. Colorées, ces dernières répondent à un schéma récurrent : au centre, un paysage idyllique est parfois complété d’un personnage dont le costume symbolise la région ou l’idée que le public s’en fait. Au nom de la compagnie écrit en lettres grasses, s’ajoutent généralement des cartouches valorisant le coût réduit des billets.
Développés par la suite, les brochures et guides touristiques édités par les compagnies hissent celles-ci au rang de prescriptrices culturelles. Les Guides Joanne, déjà vendus dans les bibliothèques des chemins de fer gérées par la société Hachette, renforcent l’itinérance des voyageurs. En 1876, lors de la création de la Compagnie internationale des wagons-lits, le voyage pittoresque devient dépaysant.
A l’aube du XXe siècle, le chemin de fer s’impose comme un moyen de transport définitivement ancré dans le quotidien des Français. L’inauguration de la nouvelle gare d’Orsay en 1900 redessine dans ce contexte le paysage urbain. Car contrairement aux pavillons des expositions, cette infrastructure est faite pour durer. Au fil des Expositions universelles, les mètres linéaires dédiés au chemin de fer s’étendent par ailleurs de manière significative.