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"Aborder les collections du musée sous de multiples angles permet de solliciter l’esprit de curiosité des visiteurs."

Portrait Marie-Laure Griffaton

Dans quel contexte êtes-vous arrivée au Musée Français du Chemin de Fer ? Quelle place a pris le MFCF dans votre carrière ?

J’ai souhaité lors de ma formation à l’École nationale du patrimoine en 1989 faire un stage de 6 mois au musée de l‘impression sur étoffes sous la direction de Jacqueline Jacqué. J’ai découvert à cette occasion la très grande richesse des collections des musées mulhousiens et la dynamique de collaboration fédérée par le CESTIM (Centre de culture scientifique, technique et industriel de Mulhouse). J’avais opté depuis le début de mes études à l’École du Louvre et à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales pour la spécialité « patrimoine industriel et histoire des techniques ». Lorsque j’ai appris, à la sortie de l’ENP en 1990, la création d’un poste de conservateur au Musée français du chemin de fer, j’ai donc naturellement postulé.

L’équipe était très motivée et passionnée par le patrimoine ferroviaire. Nous avons eu à cœur de renforcer la visibilité et l’intérêt pour le patrimoine ferroviaire et plus largement pour le patrimoine technique. Les dix années passées au musée en tant que conservatrice puis directrice ont été très enrichissantes. Ce musée a donc joué un rôle important non seulement dans ma carrière mais plus largement dans ma vie.

 

Avec une programmation active au MFCF, comment allier connaissance et plaisir ?

Un musée est un lieu de conservation mais aussi de mise en valeur des collections et de délectation. Aborder les collections du musée sous de multiples angles permet de solliciter l’esprit de curiosité des visiteurs et d’intéresser même les non spécialistes de l’histoire des techniques et du patrimoine ferroviaire. Nous avions mis en place un espace pédagogique, Musée-express qui permettait aux visiteurs de découvrir les grands principes du chemin de fer par le jeu et l’expérimentation. Le petit train installé autour du bâtiment et le circuit de modèles réduit du RAMCAS faisaient le bonheur des jeunes enfants. Les moyens limités à l’époque en fonctionnement devaient être compensés par le programme de rénovation du musée que nous avions lancé. Différents types d’animations et des visites théâtralisées ont depuis été mises en œuvre. Toutes les initiatives sont bonnes à prendre dans la mesure ou les dispositifs respectent l’histoire ferroviaire et les conditions de conservation des collections. Il est essentiel de préserver les véhicules les plus fragiles pour les transmettre aux générations futures d’autant que la question de la restauration des collections présentées au musée se posera à l’avenir de manière cruciale.

Marie-Laure Griffaton (à droite) lors de l’inauguration de l’espace pédagogique « Musée Express », en juillet 1994.

 

Existe-t-il une définition des musées des transports ? Quels en sont les principaux enjeux ?

Les trois musées de transport pour lesquels j’ai travaillé (Marie-Laure Griffaton a évolué successivement au Musée Français du Chemin de Fer de Mulhouse, au Musée Portuaire de Dunkerque, puis au Musée de l’Air et de l’Espace depuis 2018, NDLR.) ont un point commun. Ils conservent des véhicules de grandes dimensions dans lesquels le public peut dans certaines conditions monter à bord, une expérience qu’aucun outil virtuel ne pourra jamais remplacer. La force de musées tel que la Cité du Train est de présenter des véhicules taille réelle. Voir tourner les roues de la 232 U1 et observer le mécanisme de ses bielles offre par exemple un spectacle aux vertus pédagogiques indéniables. Dans ces trois musées, les collections sont présentées de manière statiques. Le défi est de restituer la notion de mobilité et d’évoquer le contexte d’utilisation des véhicules en installant des dispositifs complémentaires tels que des audiovisuels, des maquettes, des simulations…

Une autre voie intéressante à suivre consiste à développer lors des manifestations des partenariats avec des associations qui font circuler les trains, naviguer les bateaux et voler les avions. Les visiteurs prennent conscience de la réalité du fonctionnement (les panaches de fumées qui s’échappent de la locomotive à vapeur, le halètement de la chaudière, le son strident du sifflet). Le maintien en service des trains implique cependant des modifications (installation de dispositifs de sécurité modernes sur les locomotives, des changements de pièces d’usure…) qui ont un impact sur l’intégrité des véhicules. Ces deux modes de conservation, statique dans un musée ou remis en marche, ont donc chacun leur intérêt et leur raison d’être.

 

Comment réussir à conjuguer passé, présent et futur dans un lieu comme la Cité du train ? Le numérique s’inscrit-il nécessairement dans cette ambition ?

La Cité du Train a la chance de conserver une collection exceptionnelle qui couvre toute l’histoire du chemin de fer français, soit presque deux siècles d’innovations. Elle peut donc être un lieu privilégié pour présenter au public les projets en cours, les pistes de recherches et expliquer la place que prendra le transport ferroviaire dans un monde en quête de développement durable.

Cette quête de modernité passe aussi par l’utilisation des nouvelles techniques numériques qui offrent depuis quelques années de très belles perspectives. Il est désormais possible de présenter au public des zones inaccessibles et de rendre les visiteurs acteurs de leur découverte des collections, gage d’attractivité pour les jeunes générations. Associées à de l’audiovisuel, elles permettent de visualiser le matériel dans son contexte d’utilisation, de compléter des éléments disparus, de souligner la dimension humaine ou de développer l’imaginaire. Les projets en cours de réalisation comme les visites virtuelles sont très prometteurs et vont rendre l’expérience de visite unique et captivante.

Forte du soutien de la SNCF et des collectivités territoriales, la Cité du Train a de beaux jours devant elle et restera un fleuron majeur de notre patrimoine national doublé d’un site touristique d’exception.

 

Pour conclure, avez-vous un souvenir, une anecdote au sujet du musée que vous souhaitez partager ?

En 1998 nous avions organisé avec « Musées sans frontières » un Festival du chemin de fer. Dans la journée, avec la complicité du Chemin de fer Touristique du Rhin, le public voyageait dans le temps à bord d’un train tracté par la 141 TB.  La nuit tombée, un parcours nocturne permettait aux visiteurs de redécouvrir les collections sous un angle totalement différent. Un éclairage spécifique donnait un éclat inédit au matériel ferroviaire plongé dans la pénombre de la grande halle. Les visiteurs déambulaient à la lueur de lampe tempête et croisaient ici et là des musiciens installés sur les quais ou dans quelques voitures. L’air d’accordéon qui s’échappait de la rame du métro parisien, le solo de saxo joué du haut de la plateforme d’une locomotive rythmaient le parcours et distillaient une poésie et une magie qui sublimait les collections.

Une avant-première qui deviendra en 2005 la « Nuit des musées » organisée dans la France entière.